http://www.thinkover.fr/2015/03/la-mls-vue-par-un-frenchy/
Merci à Alexis Martineau pour son intérêt porté à la MLS.
La MLS vue par un Frenchy
Jérôme est français, il a 26 ans et vit aux USA. C’est un publicitaire qui aime qu’on lui raconte des histoires, d’où son amour pour la MLS, déjà évoquée sur Think Over le mois dernier. Il se sent américain dans un corps de français car « le contraire aurait été ballot ». Plutôt bien vu. Alors que la reprise du championnat américain se profile, notre frenchy nous offre une analyse afin de mieux comprendre 2015 et ses enjeux pour le soccer. Jérôme tient également un blog sur la MLS que je vous conseille de visiter (toutes les informations sont en bas de la page). Sur ce, bonne lecture !
A quand remonte ta passion pour le football ?
Je ne saurais te dire exactement. J’ai commencé à jouer très tôt au foot puisque j’ai connu ma première fracture du bras alors que j’étais haut comme 3 pommes. Quant à mon premier souvenir je pense directement à Corentin Martins que je voyais le dimanche à Telefoot avec le maillot d’Auxerre sponsorisé par DUC. Montpellier – Auxerre, c’est aussi le premier match auquel j’ai assisté à la Mosson. Je n’ai pas lâché Martins des yeux. Je ne me décrirais pas comme un fan mais un passionné. J’imagine qu’en quittant l’adolescence, la flamme s’éteint lentement. Je garde cependant un œil attentif sur Montpellier. C’est le club que je supporte et pour lequel j’ai eu la chance de travailler.
Quand et comment as-tu commencé à suivre la MLS ?
En 2010, alors que j’étais en 3ème année à l’ISCOM de Montpellier, j’ai pris la décision d’aller étudier aux USA. Pour me mettre dans le bain, mon frère Olivier, m’a convaincu de regarder un documentaire sur un joueur français exilé. Le déclic. C’était l’Intérieur Sport consacré à Sébastien Le Toux. Je le recommande fortement. Le Toux a pris la décision de rallier la MLS et d’y gagner une misère après avoir compris que sa carrière ne décollerait pas dans l’hexagone. Un choix payant puisqu’il est vite devenu un joueur important et apprécié d’abord à Seattle puis à Philadelphie. Il y est encore aujourd’hui, et a même côtoyé Thierry Henry à New York. En 2011, je suis donc parti étudier en Caroline du Sud, tout en suivant la saison de MLS, remportée par Los Angeles Galaxy sur un but de la légende Donovan.
Depuis ton arrivée aux USA, as-tu conservé des habitudes sportives françaises ?
Depuis mon installation à Austin en septembre dernier, mon quotidien a changé et j’avoue avoir lâché du lest concernant mes habitudes. Il n’y a que le J+1 de Canal + que je ne loupe jamais. L’émission qui tourne en dérision notre bonne vieille Ligue 1. Je garde toujours un certain affect pour ce championnat mais, mis à part la saison 2011/12 et la victoire du MHSC, il ne me fait plus rêver. Pareil pour l’équipe de France: je reste connecté mais désormais je suis principalement les Yanks.
As-tu trouvé de quoi jouer au football au sein d’un club dans ton nouvel état ?
C’est fou que tu me poses cette question car j’ai récemment été repéré lors d’un match de five par un entraîneur. Celui du Galaxia Soccer Club. Ça fait rêver, hein? Je crois que je vais dire oui. L’état du Texas est celui du soccer. Il y a 2 clubs qui jouent en MLS (Dallas et Houston). San Antonio, le 3ème club a remporté le dernier championnat de NASL (2ème division) et le club d’Austin va faire ses débuts en USL Pro, la 3ème division. Il y a une forte communauté de latinos au Texas qui ont le foot dans le sang. Pour jouer, il suffit juste d’être sociable. J’ai aussi traversé pas mal d’états et comme je t’ai dit, j’ai étudié en Caroline du Sud, l’état le plus pauvre des USA. Celui qui dit que les terrains de soccer sont rares, c’est qu’il n’a jamais mis les pieds sur le territoire. Il y a bien sûr des endroits où des gens n’ont jamais vu un ballon de football, mais le pays est tellement grand… Imagine toi: le Texas est plus grand que la France !
Ressens-tu un certain engouement pour la franchise de ton état ?
L’équipe de ma ville, ce sont les Austin Aztex qui débutent en USL Pro dès mars. Il y a d’ailleurs un bar sympa dédié au club mais sinon les gens se foutent de la MLS. J’irai les suivre pour alimenter mon blog et faire découvrir une autre facette du soccer. Je suis curieux de voir l’engouement autour de ce club qui progresse très vite. Le commissaire du championnat, Don Garber, avait à un moment cité la ville comme candidat potentiel, mais d’autres sont arrivés depuis. Ma première rencontre de MLS était un Dallas-Philadelphie au Pizza Hut Stadium et j’avais même discuté avec le coach de Phily, Piotr Nowak. Ça m’avait surpris de voir à quel point il était facile de s’approcher des acteurs du match. C’est ce côté accessible que j’aime bien, même si cela va être de moins en moins vrai avec l’arrivée des stars.
Qu’est-ce que ça donne Fifa 15 aux USA ?
Les américains s’y intéressent depuis la Coupe du Monde 2010 et les chiffrent le prouvent. 60% des personnes ont avoué ne jamais y avoir joué avant l’Afrique du Sud. Fifa reste derrière Madden, le jeu de Football Américain, mais il est passé devant NBA2K en Amérique du Nord en 2014.. La MLS en fait par ailleurs un de ses principaux vecteur de communication, en étroite collaboration avec EA Sports.
Ton petit bilan de l’année précédente ?
Comme à l’accoutumée, ce n’est pas la franchise la plus régulière qui l’a emportée même si Los Angeles n’a pas volé son sacre. Keane a été élu meilleur joueur en étant la pièce maîtresse d’un jeu attrayant. Je retiens le réveil de DC United après une année 2013 catastrophique, symbole des rédemptions en MLS. J’ai aussi en tête la performance d’Obafemi Martins avec Seattle qui a enfin montré sa valeur ajoutée au championnat. Même si c’est moche de se réjouir, j’ai vécu la disparation des Chivas USA comme une bonne nouvelle : c’était plus possible. Au rang des déceptions, Toronto est tout en haut. Bradley, Defoe et Julio Cesar n’ont pas réussi à hisser la franchise en playoffs tout comme Montréal. Enfin, le parcours des équipes engagées en Ligue des Champions a été bien décevant. De plus l’événement à retenir, c’est la retraite de Landon Donovan, le plus grand joueur américain de tous les temps qui n’a pas été sélectionné pour la coupe du monde par Klinsmann. L’allemand lui a préféré un jeune joueur inconnu, du Bayern Munich. Donovan a été meurtri et a annoncé sa retraite internationale dans la foulée. Mais comme toute légende qui se respecte il a terminé la saison en marquant en finale de coupe. Prends ça Zinédine.
Côté pronostics : Qui est ton favori pour le titre de champion des USA version 2015 ?
Seattle est mon favori depuis deux ans. C’est du costaud et ils disposent du meilleur public du championnat. Le stade est magnifique et toujours rempli. S’il y a un jeune à surveiller, je dirais l’attaquant de Los Angeles Giasy Zardes, qui me fait penser au Fodé Mansaré des grandes heures.
Crois-tu que le soccer deviendra un sport majeur américain ?
Sans faire parti du Top 3, il est déjà un sport majeur américain. La MLS se chiffonne avec le Hockey et sa NHL pour la 4ème place en terme de popularité derrière le football américain (NFL), le baseball (MLB) et le basket (NBA). Niveau affluence, la MLS ne cesse d’attirer du monde au fil des années, il est 3ème au classement devant la NBA. De plus, le soccer est très pratiqué dans les universités. Avec la lente mais intelligente progression de la MLS, le futur du soccer est radieux. Les audiences des matches à la TV sont très insuffisantes et constituent la principale problématique. J’ai d’ailleurs vu que la chaîne britannique Sky Sports avait acheté les droits de quelques matches. Merci Henry et Beckham qui sont respectivement commentateur et ambassadeur de la chaîne.
Quelles sont les principales différences que tu as pu découvrir entre notre championnat français et la MLS ?
Les différences entre les deux championnats sont partout. Tout d’abord on ne parle pas de clubs mais de franchises, typiques du sport professionnel américain. Elles sont admises dans la Ligue parce qu’elles ont payé, sont aptes à s’engager financièrement avec des infrastructures adéquates. Pas de promotion-relégation en outre. Je suis d’ accord avec ce système même s’il paraît stupide de ne pas privilégier la méritocratie en faisant monter les meilleurs franchises des divisions inférieures. Cependant, je pense qu’il faut, au moins pour quelques années, préserver la situation afin de développer la pérennité de la MLS et ainsi éviter de revivre le naufrage de la NASL. Aussi, ce ne sont pas les franchises qui sont propriétaires des joueurs, mais la Ligue! C’est pour cette raison qu’une limite de la masse salariale est imposée aux franchises. Enfin l’organisation est calquée sur les autres sports américains. Le championnat débouche sur les playoffs qui regroupent les meilleures équipes des deux conférences après la saison. Il n’est donc pas indispensable d’être régulier pour gagner la MLS Cup, simplement d’être performant sur la fin de saison.
Qu’est-ce qui t’as le plus marqué dans la façon de vivre leur passion chez les américains comparés à ce qui est coutumier chez nous ?
Les américains ne vivent pas leur passion comme nous. J’ai récemment emmené mes parents à un match de NBA opposant Dallas à Utah, ils n’en reviennent toujours pas. Les spectateurs ne veulent qu’être divertis. Le résultat et la qualité du match sont secondaires. Toutes les choses autour du match qui nous paraissent futiles, nous français, sont prises très au sérieux ici. La nourriture est omniprésente dans les stades. Le show d’avant-match est incroyable. En sortant du stade tu as vécu une belle expérience sans forcément te souvenir des actions du match. C’est pour cette raison que la notion de famille est primordiale concernant les passions américaines.
Le plan “MLS Next” a été annoncé, peux-tu nous en dire plus ?
Le MLS Next n’est pour moi qu’un prolongement de la stratégie mise en place depuis quelques années. La ligue va avoir 20 ans et se devait de marquer le pas, en s’offrant un nom de code aux allures marketing avec un nouveau logo. C’est intelligent. Don Garder est derrière tout ça, et je crois qu’il est la meilleure chose que le soccer a connu, bien qu’il lui arrive de dire des bêtises (on a parlé d’équiper les joueurs de GoPro…). J’espère qu’il sera là encore quelques années. La MLS continue donc son développement avec de nouvelles franchises, de nouvelles stars qui ne viennent pas simplement pour figurer, de nouveaux partenariats, de nouveaux stades. C’est très significatif et on atteindra rapidement la trentaine de franchises dans une ou deux décennies. Pour les deux nouveaux, atteindre les playoffs serait une bonne chose. C’est la continuité qui paye et le terme de cycle est très important en MLS.
La politique se mêle-t-elle du soccer comme c’est le cas chez nous ?
Je n’ai pas le souvenir d’un homme politique qui a utilisé le soccer pour illustrer ses prises de parole. Par exemple, Robbie Rogers de Los Angeles a effectué son coming out. Il a été soutenu mais il n’y a pas eu de récupération. Le soccer doit encore se populariser pour retenir l’attention des homme politiques ce qui n’a pas empêché le Président Obama de convier Kansas City à la Maison Blanche deux ans auparavant. Il avait même taquiné le français Aurélien Collin pour son style vestimentaire impeccable. La politique locale est présente lorsqu’une ville se porte candidate à l’intégration en MLS. David Beckham aurait d’ailleurs bien besoin d’aide dans son projet à Miami.
Les fans de soccer ont-ils l’habitude de suivre les championnats étrangers en plus de la MLS ?
La Premier League est incontestablement le championnat qui retient l’attention des américains avec Arsenal en tête. Les matches sont retransmis et les bars sont pleins dès le dimanche matin. Le championnat mexicain est aussi très populaire. Il a recueilli la meilleure audience soccer à la TV en 2014 lors de la finale retour du championnat avec 5 millions de téléspectateurs (en comparaison avec les 500 000 curieux pour la finale américaine). Viennent ensuite les affiches du championnat espagnol. Enfin, la Ligue des Champions est très relayée après les phases de groupe.
Comment qualifierais-tu les supporteurs américains ?
D’après des sondages très sérieux, le fan de soccer a un profil particulier. Il est jeune, blanc, diplômé, issu d’une catégorie socioprofessionnelle élevée aux revenus conséquents. De manière plus générale, les anciennes générations ne connaissent pas ou mal le soccer, puisqu’il a disparu du paysage après la faillite de la NASL en 1984. La MLS a maintenant 20 ans, et ses fans sont des ados. Le plan est désormais de choper la prochaine génération, mais pas que. C’est l’équivalent du syndrome Alizée dans la chanson française, qui change son image pour toucher un nouveau public. Il existe aussi de fortes rivalités comme entre Portland et Seattle et cela va s’accentuer avec les nouvelles franchises. Et même si des (rares) incidents arrivent, on est promis à un bel engouement. Tout porte donc à croire que la MLS n’est pas à inscrire au rang des championnats éphémères.
Quelle est la place du football féminin par rapport à leurs homologues masculins ?
La NWSL est la meilleure ligue du monde. La sélection nationale féminine fait elle partie des meilleures équipes du monde avec le Japon, la Suède et l’Allemagne. Le nombre de pratiquantes est très élevé comme en témoigne le nombre d’équipes universitaires. Certaines joueuses professionnelles sont connues en France comme Hope Solo ou Alex Morgane. D’ailleurs, ayant travaillé pour la chaîne Direct 8 comme attaché de presse, je sais que le match USA-France en demi finale de la Coupe du Monde 2011 détient toujours le record d’audience de la TNT avec un pic à 3,2 millions.
Vois-tu les américains sur le toit du monde à moyen terme ?
Impossible à dire. Ce titre manque déjà au palmarès de quelques nations majeures. Je pense qu’il faudrait que la compétition se joue aux Etats-Unis car ce peuple si patriotique donnerait des ailes à son équipe. Il y a de très bons jeunes qui sont déjà présents comme Yedlin, Zardes ou Green. Et il y a encore beaucoup d’autres, encore plus jeunes, qui attendent leur heure, en Europe notamment. Pour l’instant c’est trop fragile sur toute la durée d’une si grande compétition.
S’il ne devait en rester qu’un: qui est la légende du soccer ?
Landon Donovan. Il compte de nombreux records et des statistiques impressionnantes. Le mec a gagné 6 MLS Cup et est le meilleur buteur (144) et passeur (136) de l’histoire de la ligue sans oublier ses 57 pions en équipe nationale. Il a par ailleurs reçu un florilège de récompenses individuelles parmi lesquelles le titre de meilleur jeune de la Coupe du Monde 2002. En son hommage le titre de meilleur joueur de la saison MLS porte son nom: le Landon Donovan MVP Award.
Le meilleur pour la fin : as-tu des nouvelles de Freddy Adu ?
La dernière rumeur dit qu’il serait devenu promoteur de soirées. Niveau foot, il est au chômage après ne pas avoir été gardé par un club serbe…
Merci beaucoup à Jérôme pour sa participation et ses réponses. Pour plus d’informations concernant notre interviewé, rendez-vous sur son twitter !
Exceptionnel, je te sais bon mais là tu m’as scotché par ton savoir.
> Message du 07/03/15 20:34 > De : « MAJEURE LIGUE FOOTBALL » > A : patrice.cortinovis@orange.fr > Copie à : > Objet : [New post] Mon interview en ce début de saison MLS par ThinkOver > >WordPress.com
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