Dans un petit mois, la MLS devrait être de retour. Devrait oui, puisque rien n’est moins sûr. A l’image du lock-out qui avait vu les basketteurs faire grève en 2011 pendant cinq mois, la MLS n’est pas parvenue à trouver un accord avec les joueurs. Et le temps presse !

Alors que les joueurs ont repris l’entraînement depuis peu, personne ne sait si le début du championnat aura bien lieu le 6 mars prochain. Les négociations du nouveau CBA (collective bargaining agreement) ont en effet capoté. Cette entente collective portait notamment sur le plafond salarial et le fameux salaire minimum. Après que la MLS ait touché plus de 90 millions de dollars pour les droits TV (pour une durée de huit ans), les joueurs ont estimé, qu’étant les principaux acteurs, ils étaient en droit de revendiquer certains changements.
Les joueurs s’estiment en effet biaisés. La MLS se classe au 22ème rang mondial des ligues en terme de salaires octroyés aux joueurs (c’est la MLS qui paye les joueurs), alors qu’elle vise le Top Five des meilleures ligues sur un point qualitatif. Pas très logique. Ils demandent donc une participation plus importante de la MLS sur les salaires des joueurs désignés (qui sont eux payés en partie par les propriétaires des franchises) et espèrent faire passer le nombre de ces joueurs de 3 à 5 par équipe. Ce qui est indispensable pour une progression rapide du championnat.
Du côté de la MLS, on défend la ligne de conduite établie dès la saison inaugurale en 1996: « Slowly but surely ». Grossièrement, si la Ligue veut grandir, elle ne doit pas faire de folie. Elle a encore en tête la longue agonie de la NASL qui avait finalement pris fin, en 1984 après une gestion financière des plus catastrophiques (https://majeureliguefootball.wordpress.com/2013/01/14/pele-et-les-trois-glorieuses/). Don Garber, le commissaire si prudent de la MLS, ne veut pas aller trop vite, et il faut bien avouer que sous sa houlette, la ligue se porte de mieux en mieux. Même si on aimerait tous un peu le brusquer de temps en temps…
Par ailleurs, cette entente, qui n’a jamais aussi mal porté son nom, doit aussi statuer sur les vols charters limités à quatre pour chaque équipe. Les autres parties du temps, les équipes voyagent en effet sur des vols commerciaux avec des passagers lambdas lors des déplacements. Quand on sait le temps que passent les joueurs dans ces avions, on peut comprendre leurs aspirations à voyager dans de meilleures conditions. Autre point sensible: le statut des joueurs canadiens. Ces derniers sont considérés étrangers sur le sol américain alors que la réciproque n’est pas vraie. Enfin, sujet très important, si ce n’est LE plus important: les joueurs en ont assez que la MLS détient 100% de leurs droits, même lorsqu’ils ne sont plus sous contrat. Ils réclament le statut de « free agent ».
Les négociations qui duraient depuis des semaines ont pris fin le 31 janvier dernier. Malgré tout, les joueurs ont promis de continuer de s’entraîner et de faire comme si de rien n’était. L’arrêt des entrainements demeure leur dernière arme pour faire pression sur la ligue, et certains joueurs comme Robbie Keane ont fait savoir qu’ils étaient prêts à aller au bout de leurs idées, si un deal n’était pas signé. Cela serait donc la première grève en MLS, mais pas la première dans les sports US (c’est rare, mais cela arrive parfois en NHL, en NFL, et en NBA donc). La seule grève dans l’histoire du soccer aux USA avait eu lieu en 1979 lorsque la NASL avait refusé de reconnaître la North American Soccer League Players Association (NASLPA), un syndicat de joueurs. Elle avait duré plusieurs jours, et la ligue de l’époque n’avait finalement pas cédé. Cette grève avait été un désastre puisque, en plus de ne pas être solidaires, les 143 joueurs à avoir pris part à ce mouvement manquaient cruellement d’organisation et de soutien politique. Aussi, la grande franchise de l’époque, le New York Cosmos, s’était clairement dissocié de cette manifestation. Ainsi, le championnat avait pu débuter normalement.
Pour en revenir à l’actuel lock-out, le championnat USL Pro (3ème échelon national) risque d’être également touché puisqu’il est composé des réserves des franchises MLS. Est-ce que certains joueurs seraient prêts à partir alors en NASL (2ème division nationale) pour pouvoir jouer?
C’est une hypothèse peu crédible puisque les effectifs de NASL sont complets. De plus, les joueurs, s’ils acceptent une baisse de leur salaire (déjà pas folichon), ne pourraient pas revenir en MLS cette année. Il serait donc plus probable que certains s’exilent en Amérique du Sud, les portes de la plupart des pays européens étant fermées depuis la fermeture du marché des transferts.
Mon opinion: Je suis optimiste. Je pense qu’un deal sera prochainement conclu. D’après moi, les joueurs obtiendront en majorité ce qu’ils réclament. Il semble logique que la courbe des salaires MLS augmente en même temps que celle des revenus de la Ligue, surtout si l’on veut une progression du championnat. Ce n’est pas pour autant que Don Garber va changer radicalement sa manière de gérer son business. Il serait juste fou de mettre en péril l’image de marque de son championnat qu’il travaille depuis son arrivée à ce poste de commissaire en 1999. En cas de grève, il pourrait même être contraint à démissionner sous la pression des franchises et des joueurs. Je pense que lui et la MLS seront plutôt réceptifs aux revendications salariales des joueurs mais qu’ils ne changeront pas d’un iota leur position sur le statut de « free agent » que les joueurs réclament.