Des journalistes locaux/low cost en MLS?

Nanawall

Et si la Major League Soccer n’avait pas les journalistes qu’elle mérite ? Lorsque des articles apparaissent pour essayer de trouver des solutions pouvant dynamiser cette ligue, on parle très vite joueurs, moyens financiers, formation, calendrier ou on aborde les inconvénients de son système. Mais la lenteur de sa progression n’est-elle pas  aussi due aux médias qui peinent à susciter l’enthousiasme de nouveaux aficionados ? J’ouvre le débat.

Ce billet d’humeur arrive seulement maintenant pour évoquer un point qui ne m’avait pas frappé lors de mes précédentes couvertures de matchs MLS, mais qui, avec la venue de l’Impact de Montréal en terre texane samedi dernier, m’a agacé au point de vouloir relater cette troublante expérience. Bien loin de moi l’idée de vouloir donner une/des leçon(s) de journalisme, moi-même n’en étant pas un de formation. Évidemment, je n’échapperai pas à cette pensée et je m’attends à susciter des réactions…

Ayant travaillé dans le service communication de deux club professionnels en France, j’ai pas mal fréquenté les tribunes de presse, zones mixtes, salles de conférence, tous ces lieux privilégiés auxquelles un spectateur lambda n’a pas accès en temps normal. J’ai donc pu observer les attitudes des différentes personnalités traversant ces espaces privés. Les journalistes sont parmi ceux qui les animent.

Je suis passé de l’autre côté depuis que j’ai rejoint les States et que je couvre des matches MLS, mais j’ai gardé l’œil observateur de mon ancien job. Cette affiche FC Dallas-Impact de Montréal s’annonçait alléchante entre deux équipes de bon niveau qui devraient atteindre les play-offs sans se créer trop de frayeurs. Un match assez excitant sur le papier: d’un côté, une formation avec un groupe très jeune qui n’a que très peu bougé depuis son excellente saison dernière, qui pratique un football de contre-attaque avec des joueurs rapides et techniques. Clairement le FC Dallas est un favori pour le Supporters’ Shield, voire la MLS Cup. Tandis que de l’autre côté, l’Impact de Montréal peut se targuer d’avoir la meilleure équipe de sa courte mais prometteuse histoire, même si des cadres manquaient à l’appel au coup d’envoi.

Pourtant, tout au long de la partie, je n’ai ressenti aucune passion dans cette tribune de presse, certes peu accueillante, mais néanmoins propice à l’échange de débats. Il faut savoir qu’au Toyota Stadium de Frisco, les journalistes sont calfeutrés derrière de grandes vitres en plexiglas, dans une tribune centrale haute par rapport aux autres gradins. Le terrain se trouve sous le niveau du sol, ce qui les contraint à se sentir très vite isolés, comme des animaux en cage. D’autant plus que ces fenêtres XXL renforcent ce sentiment de vase-clos, d’aquarium à taille humaine. On se surprend de constater que les journalistes présents n’ouvrent même pas un de ces soupirails pour s’imprégner un peu de l’ambiance locale! Les hymnes canadien et américain nous arrivent à peine aux oreilles. J’avais cette impression d’entendre le beat à l’extérieur d’une boîte de nuit , jusqu’à ce que quelqu’un se décide enfin à ouvrir la porte d’entrée et que la mélodie se fasse enfin entendre. J’ai donc ouvert la vitre qui me faisait face mais les regards autour de moi me l’ont presque fait regretter… Ambiance.

Si le show sur le terrain n’est pas au rendez-vous, je suis également scotché par l’atmosphère dans la salle. Pas un bruit. Pas un. Personne ne parle. J’avais l’habitude dans le sud de le France d’écouter avec beaucoup de plaisir les journalistes locaux se confronter, échanger, débattre et vivre le match comme il se doit. Spectacle ou non. Après tout, ils suivent la même équipe un an durant, difficile de rester neutre. Malgré les difficultés de Montréal à produire du jeu, personne ne s’agace. Seul Adam Braz, le directeur technique de l’équipe canadienne qui se trouve dans une pièce juxtaposée, se fait entendre quand il tape du poing sur la table à chaque passe ratée d’Ignacio Piatti. Quand Dallas rate l’ouverture du score, c’est toujours le calme plat, les journalistes texans jetant à peine un œil sur les moniteurs mis à notre disposition pour pouvoir ensuite retranscrire l’action sur leur écran d’ordinateur. Sans émotion aucune. Des machines !

Pour avoir causé avec plusieurs journalistes texans présents sur place, je sais que le football n’est pas leur sport de prédilection. Je l’ai d’ailleurs compris avant qu’ils ne se confessent. Les journaux limitent les coûts en envoyant un salarié polyvalent plutôt que de recruter un spécialiste soccer à plein temps, qui sera au final peu sollicité. Ainsi les reporters couvrent souvent les disciplines les plus populaires du pays (football américain, basket, hockey etc.), dont ils sont experts, et sont envoyés au charbon par leur rédacteur en chef pour suivre les matches de football. Mais l’on sent qu’ils y vont avec beaucoup moins d’enthousiasme, comme on va à l’usine. Histoire d’arrondir leurs fins de mois et de parer au plus pressé.

Quand on essaie d’échanger avec eux, on se rend vite compte qu’on ne peut pas aller trop loin dans la discussion tant leurs lacunes technico-tactiques sont trop importantes. Il n’est par exemple pas possible d’aborder l’équipe visiteuse car leurs connaissances s’arrêtent aux 2-3 meilleurs joueurs, et c’est tout. En rencontrant les reporters visiteurs et en lisant les articles sur le web, je me rends compte que le Texas n’est pas le seul état touché par le phénomène des « journalistes low-cost ». Les shows de qualité, les bons articles sont difficiles à trouver. Les jolies histoires sont rares alors que ce championnat en regorge. Le potentiel de « story-telling » de notre ligue si singulière ne demande qu’à être exploité, c’est criant.

La Major League Soccer a un site internet formidable avec des journalistes et des employés qui font un super travail. En terme de contenu, elle est au dessus. Les franchises américaines sont en avance sur les équipes françaises en terme de com’. Je suis chaque année un peu plus impressionné par les vidéos de promotion que peuvent produire l’Impact de Montréal ou par le travail digital d’un club comme le Sporting Kansas City. Seulement, je trouve qu’il y a un chainon manquant pour diffuser cette ferveur dans le pays et en dehors. En France, la presse a beaucoup de défauts, notamment celui de chercher le buzz à tout prix, mais on ne peut lui reprocher d’être passionnée.

C’est difficile de placer des mots sur ces maux, le sujet étant « touchy ». Le but, encore une fois, n’est pas de critiquer le travail journalistique de ces hommes pour seulement critiquer mais de donner un point de vue sur les raisons d’une certaine stagnation de la MLS. Et surtout d’écrire sur ce championnat, que j’aime, comme je le ressens. Le reste n’est que poésie…

 

Publicité

2 réflexions sur « Des journalistes locaux/low cost en MLS? »

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s