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Dossier: Salaires en MLS, la comparaison avec les autres sports US

Tomber sur une liste des salaires de Major League Baseball ou de NBA, c’est un peu comme conduire quelques minutes dans ces résidences sécurisées que sont Greenwich dans le Connecticut ou Bervely Hills en Californie. L’argent et l’ambiance qui y règnent sont si stupéfiants que ces quelques minutes de vadrouille ne semblent pas réelles.

Alex Rodriguez, le joueur des Yankees gagne 30 millions de dollars par an. Kobe Bryant des Lakers 25. Ho ! Une licorne ! Juste derrière la Maserati là bas !…. Stoooooop ! Fini de rêver, et revenons dans les modestes quartiers de la MLS. Le contraste est un peu déprimant.

Ty Wigginton, le Cédric Barbosa de Major League Baseball qui joue à Saint Louis, gagne comme David Beckham.
Ty Wigginton, le Cédric Barbosa de Major League Baseball, gagne comme David Beckham.

Une douzaine de joueurs gagnent entre 30 et 50.000$. Des privilégiés dans cet autre monde qu’est le soccer. Tellement loin des chiffres stratosphériques de la MLB, NBA ou NHL. Juninho, star annoncée de MLS et finalement acheté par Los Angeles Galaxy, gagnera environ 65.000$ cette année. L’équivalent de ce que gagne un barman à New York, tips compris. Pour rappel, le compte bancaire de David Beckham s’est étoffé de 4 millions de dollars en 2012. C’est ce que touche Ty Wigginton, un vulgaire joueur de baseball mercenaire qui évolue aujourd’hui chez les Cardinals de Saint Louis et qui n’a rien d’un crack. Son physique ne peut même pas justifier son salaire contrairement à Becks ! Vous voulez plus de chiffres? Voici la liste actuelle des salaires minimum annuels dans les cinq ligues majeures:

N.H.L.: $525,000 (43,000/mois)
M.L.B.: $480,000 (40,000/mois)
N.B.A.: $473,604 (39,467/mois)
N.F.L.: $390,000 (32,500/mois)
M.L.S.: $33,750 (2,812/mois)

Mais pourquoi donc la MLS est si basse dans ce tableau ? D’autant plus que l’affluence moyenne dans les stades de soccer a gagné 7% cette année pour arriver à une moyenne de 18 000 spectateurs par match, dépassant la NBA et la NHL. Les stades sont certes plus grands me direz-vous… Est-ce que les propriétaires de MLS sont avares au point de tout garder pour eux en ne partageant pas les revenus? Évidemment non, il y a juste un fossé immense entre les revenus engendrés par le soccer et les autres sports. Les droits TV expliquent à eux seuls cette différence stratosphérique. D’après Forbes, le magazine économique américain, les droits TV de NBA rapportent plus d’un milliard à la ligue, et ces derniers augmentent de 30% chaque année. La NFL, qui monopolise les programmes TV américains à longueur de journée, reçoit sept milliards de la part des chaînes TV. Et certains clubs comme les Texas Rangers ou les Los Angeles Angels disposent de chaînes privées qui payent des dizaines de milliards de dollars pour retransmettre leurs matches en exclusivité. De quoi gâter les joueurs.

Les salaires moyens dans chaque ligue
Les salaires moyens dans chaque ligue

En comparaison, les revenus engendrés par la MLS grâce aux droits TV ont été de 27 millions de dollars l’année passée. Tellement loin des milliards des autres sports. Une différence de quelques zéros qui expliquent en partie ces salaires « faibles » de MLS. La bonne nouvelle pour les joueurs de MLS, c’est que les masses salariales ont augmenté depuis 2007. A cette date antérieure, seuls quatre joueurs gagnaient plus d’un million de dollars par an: Juan Pablo Angel, David Beckham, Cuauhtemoc Blanco et Claudio Reyna. En 2012, il y en avait neuf. Et la courbe n’est pas prête de ralentir. Il y a cinq ans, 103 joueurs gagnaient 100 000$ par an, et seulement 33 joueurs arrivaient à 200 000$. La saison dernière, 90 joueurs dépassaient les 200 000 dollars. Mais plus que par les salaires, cette bonne santé financière s’explique par le nombre de franchises existantes aujourd’hui: 19 contre 13 en 2007.

Les joueurs en MLS méritent-ils vraiment une augmentation de salaire ?

Est-ce que les chiffres de Major League Soccer rattraperont un jour ceux démentiels de la NBA ou de la NFL. Si la réponse n’est pas connue, on sait qu’elle est toutefois négative sur le court terme. Le soccer part de trop loin, mais la courbe est porteuse d’espoir. Les teens qui sortent des universités pour être draftés peuvent être rassurés. Les chaînes TV US diffusent de plus en plus de soccer. Les performances de l’équipe nationale n’y sont certainement pas étrangères. Quand les Etats-Unis ont participé à la Coupe du Monde 2010, ce ne sont pas seulement les joueurs américains qui ont vibré devant leurs écransmais bien tous les joueurs de MLS, y compris étrangers, bien conscients que leur salaire évoluerait en cas de bonnes performances et donc de bonnes audiences (les USA ont terminé 1er de leur groupe devant l’Angleterre).

La véritable question est de savoir si l’augmentation des salaires en MLS est une bonne chose pour une ligue qui dispose d’une majorité de joueurs très moyens, et très peu de fuoriclasse. Les franchises ne peuvent se permettre de surpayer des joueurs qui, pour la plupart, il faut le dire, ont des lacunes. Ne vaut-il pas mieux se servir de ces revenus supplémentaires pour importer de bons joueurs techniques étrangers? C’est en tous cas cette direction que Don Garber, le commissaire de la MLS, veut privilégier pour améliorer le niveau du championnat. L’arrivée du jeune prometteur Rafael à DC United en est la preuve. Mais attention aux fantômes du passé qui hantent l’Amérique du Nord. L’argent investi à l’étranger a déjà tué une fois le soccer.

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1974: la leçon de marketing sportif Made in USA

Jusqu’en 1974, le championnat nord-américain continue sa lente progression. Woosnam, le commissaire de la Ligue, fait rentrer quatre nouvelles franchises en NASL pour un total de 15 équipes. Pour la première fois depuis 1968, la NASL devient une Ligue nationale, à proprement parler, avec des franchises dispersées partout aux USA. Woosnam veut alors accélérer les choses.

A la fin de la saison 1974, l’affluence moyenne dans les stades est de 7 825 spectateurs, un nombre en hausse de 24% par rapport à la saison passée. Surprenant ! Mais comment est-ce possible ?
Woosnam et ses employés sont à l’origine d’idées plutôt ingénieuses pour promouvoir le championnat. Comme celle-ci: placer dans une équipe le fils d’une légende de la NFL, sport le plus regardé à la télévision américaine. De plus, celui-ci vient de gagner une sorte de télé-réalité retransmise dans tout le pays.

Les publicitaires s'arrachent Kyle Rote
Les publicitaires s’arrachent Kyle Rote, Jr

Le succès de Kyle Rote, Jr*, qui devient une star acclamée dans les stades, donnera envie aux autres joueurs de participer à ce TV show qui oppose des sportifs connus à travers un décathlon. Un carton, autant pour l’émission que pour les affluences dans les stades. Parmi les autres idées astucieuses: celle de supprimer les matches nuls qui ennuient les Américains et de greffer à la fin des matches une série de penalties, beaucoup plus divertissante. La NASL change ses règles au profit du spectacle, et cela a pour effet de rameuter de nouveaux prospects dans les stades. Les spectateurs sont même directement sondés sur le retour ou non des playoffs. Ces derniers, véritable marque de fabrique du sport américain, sont largement plébiscités. Le marketing sportif made in USA est né.

En 1975, six ans après sa prise de fonction à la tête de la NASL et autant d’années de succès, Woosnam, en pleine crise de la quarantaine, veut accélérer les choses. Il veut que son championnat devienne une ligue majeure dans le monde. De quinze, il fait passer le nombre de franchises à vingt ! Mais il veut frapper un grand coup. Une bonne fois pour toute. Il souhaite un joueur de renommée mondiale, veut le faire jouer au New York Cosmos, capitale des médias américains et seul club ayant les ressources pour le faire venir (Warner Bros est à la la tête de la franchise).

Georges Best pose devant les photographes à New York, là ou il va s'engager...
Georges Best pose devant les photographes à New York, là ou il devait s’engager…

Georges Best, qui atteint un niveau de notoriété jamais vu en football, est son premier choix. Les négociations se passent pour le mieux. Le cinquième Beatles tient même une conférence de presse en compagnie d’un Woosnam très fier, pour annoncer sa signature imminente. Tout est prêt. Manchester va vendre son « outstanding » joueur pour 250 000$, somme record pour l’époque. Les Anglais pleurent leur légende. Il reste cependant à trouver un accord entre Best et New York. Accord qui n’aura jamais lieu. Le joueur demande à NY de préserver le secret de la cause de sa non-signature. Lui l’emportera en 2005 dans sa tombe. Georges Best pose un lapin à la NASL et signe en Irlande dans la foulée. Il plombe littéralement le début du championnat américain et l’enthousiasme de Woosdam dans le même temps. C’est la douche froide.

Mais un ouragan médiatique va bientôt se déchaîner sur le pays à la mi-saison…

* Kyle Role : bien que confiné dans un rôle d’Impact Player pour exciter les foules lorsqu’il rentre, le bougre progressera vite puisqu’il deviendra ensuite titulaire à Dallas puis Houston, et terminera même sa carrière avec cinq sélections internationales !

Kyle Rote Jr dans une publicité pour une boisson énergisante

@j_cortinovis

Dans l’épisode précédent:  https://majeureliguefootball.wordpress.com/2013/01/08/la-nasl-et-le-docteur-who/