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Pelé et les trois Glorieuses

En 1975, six mois après la non venue de Georges Best à New York, Phil Woosnam, le commissaire de la NASL, peine à se remettre de cette désillusion. Heureusement, il peut compter sur un nouvel allié très discret jusqu’à l’été 1975: Steve Ross, le boss du New York Cosmos.

Steve Ross (au centre) réalise le coup du siècle
Steve Ross (au centre) réalise le coup du siècle

Steve Ross, patron du New York Cosmos et président de la Warner est un homme de plus en plus ambitieux. Fort de ses coups de génies comme le rachat d’Atari en 1972, qui vient de créer le premier jeu vidéo (Pong), il veut maintenant s’imposer comme un personnage public mondial. Quoi de mieux que le sport et son équipe de New York pour arriver à ses fins. L’échec de la non venue de Georges Best est du passé, il veut un autre grand nom. Il demande conseil à Woosnam, toujours tourmenté par son échec, qui lui lâche deux patronymes sous forme de boutade: le Pape et Pelé. Ross dit qu’il peut faire venir le second facilement, d’ailleurs il ne connaît même pas le joueur. C’est cette incroyable candeur d’esprit qui va lui permettre d’oser réaliser le transfert du siècle, bien aidé par Henry Kissinger, le secrétaire d’état du gouvernement américain.

Steve Ross profite de sa position de président de Warner pour faire signer à Pelé plusieurs contrats, dont celui d’artiste qui lui permettra de payer le minimum d’impôts. A 35 ans, il signe pour trois ans avec un salaire annuel de 1,5 millions de dollars. Du jamais vu. Il joue son premier match dans la foulée contre Dallas au Yankee Stadium devant 300 journalistes venant de toute la planète. Le match est retransmis dans 22 pays. Pelé fait son premier entraînement avec ses nouveaux coéquipiers quelques minutes avant le match. La NASL est enfin crédible et Steve Ross devient très populaire par la même occasion.

Les débuts de Pelé

Pelé fait une très bonne fin de saison en marquant cinq fois mais son club a pris trop de retard pour pouvoir accéder aux playoffs. Le fossé entre le niveau de Pelé et celui de ses coéquipiers est ahurissant. Les spectateurs sont subjugués par les actions du Brésilien. Les saisons prochaines s’annoncent exaltantes, d’autant plus qu’une pléiade d’autres stars veulent maintenant rejoindre la NASL.

Gordon Banks signe à Fort Lauderdale, Geoff Hurst à Seattle, Rodney Marsh (le Pelé blanc) à Tampa Bay, Eusebio à Toronto, Bobby Moore à San Antonio, Chinaglia (joueur-star italien de l’équipe qui sera haï par tous) à New York  et Georges Best signe à Los Angeles où Elton John devient le nouveau propriétaire ! Le vent a décidément tourné… Les affluences s’envolent dans tous les stades, elles sont en hausse de 36% par rapport à la saison passée, déjà considérée comme une « bonne saison ». Woosnam profite de la présence de toutes ces stars dans son championnat pour organiser des matchs d’exhibition en Europe, mais aussi des rencontres aux USA entre son NASL All-Stars et les meilleures nations du monde.

NASL All-Stars vs England

Pelé sera seulement champion avec son équipe lors de sa dernière année de contrat en 1977. Ses trois saisons en NASL sont aussi les plus belles années de la Ligue, qui a depuis vue arriver d’autres stars comme Carlos Alberto ou Franz Beckenbauer, élu MVP dès sa première saison en 1977. Pelé a 38 ans quand il prend sa retraite, a marqué 31 buts et a distribué 25 passes décisives en 56 apparitions. Il fera rêver une 57ème fois les spectateurs de New York en guise d’adieu, lors d’un match amical entre le Cosmos et son club de toujours Santos. Pelé s’effondre en pleurs à la fin de son discours devant ses amis venus lui rendre un hommage, comme Muhammad Ali, Bobby Moore, ou Henry Kissinger. Il a conquis le cœur des Américains en l’espace de trois ans. Ce sont les trois Glorieuses.

Seulement voilà, la NASL ne le sait pas encore, mais elle est malade. Très malade même. Le départ de Pelé déclenche le compte à rebours. La NASL est en phase terminale, elle mourra d’une longue agonie quatre ans plus tard.

Je vous conseille le magnifique documentaire Once in a Lifetime : The Extraordinary Story of the New York Cosmos qui dresse le portrait des Etats-Unis des années 70, avec ses folies, ses dérives et surtout son sens de la fête.

@j_cortinovis

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La NASL et son docteur Who

Les choses se présentent mal pour la NASL en 1969. NBC rompt le contrat télévisuel, et le championnat perd son statut professionnel après une première saison désastreuse en terme de retombées. Seulement cinq franchises existent. Le soccer est à l’agonie.

Phil "doc" Woosnam doit sauver la NASL
Phil « Doc » Woosnam doit sauver la NASL

Le coach des Atlanta Chiefs, Phil Woosnam, vainqueur du premier championnat nord-américain et sélectionneur des USA, est nommé commissaire de la NASL. Il a pour mission d’éviter la mort du championnat, et accessoirement de le revitaliser. Il demande ainsi aux cinq franchises existantes de baisser la masse salariale et de réduire les coûts. Toutes les stars internationales et la plupart des meilleurs joueurs sont foutus à la porte. C’est aussi le cas de Vava, qui s’en va. Seulement voilà, les équipes ne comportent plus assez de joueurs. Woosnam lui-même a alors de sérieux doutes concernant la survie du championnat. Lui vient une idée !

Ancien joueur de West Ham et d’Aston Villa, et en très bon termes avec eux, il va alors demander à ses anciens clubs de venir faire des matchs d’exhibition. Il convaincra trois autres équipes anglaises de venir aux USA  pour jouer  une sorte de mini championnat, l’International Cup. Cela laisse le temps aux franchises américaines de se reconstruire, les équipes anglaises, elles, sont heureuses de jouer aux USA tous frais payés, et cela divertit les spectateurs curieux.

Lors du second semestre, le championnat nord-américain débute. Bien que moins flamboyant et moins médiatisé, les gens s’intéressent d’avantage à cette saison car, débarrassée des étrangers, leur équipe est composée exclusivement de joueurs locaux. Ils peuvent ainsi s’identifier à leur club. De plus, un duel entre Atlanta Chiefs et Kansas City intéresse le pays. Kansas gagnera le championnat d’un seul point, les playoffs ayant disparu car top chers. Un symbole. On assiste donc à une compétition beaucoup plus modeste qui a le mérite de plaire aux Américains. Quelque chose est en train de se passer.

Phil Woosnam : «  In my heart I knew this sport was good enough. » (Au fond de moi, je savais que ce sport était assez bon)

1969 est une année très importante pour ce sport. Beaucoup d’écoles l’ incluent à leur programme sportif, des écoles de soccer voient même le jour. Le fait est que, si les teens ne le regardent certes pas, ils adorent le  pratiquer. La NCAA, le championnat universitaire, est en pleine expansion. On parle même de soccer féminin, même si le projet n’en est qu’à l’état embryonnaire… Phil Woosnam est à l’origine de cet élan et il ne s’en cache pas.

En une saison, il a réussi a changé la donne. Jusqu’en 1975, il réussit l’opération parfaite. Sauver, puis développer lentement mais sûrement la NASL, tout en pensant à son futur en encourageant la formation des jeunes. Il est, aujourd’hui encore, considéré comme LE personnage  important dans le développement du soccer (il figure au Hall of Fame). Il s’attire alors la curiosité des médias. Les institutions des autres sports veulent l’embaucher. Il devient un personnage qu’on s’arrache. Mais voilà, le succès, SON succès va l’amener à prendre des décisions à l’encontre de sa logique. C’est le début de la période Rock’n’roll de la NASL.

Un reportage TV dédié à Phil Woosnam

@j_cortinovis

Dans l’épisode précédent : https://majeureliguefootball.wordpress.com/2013/01/08/1968-la-nasl-d…he-place-to-be/

1968, la NASL débute. The place to be?

1968, nous y sommes. Un championnat national unique existe enfin, soutenu par des investisseurs motivés comme Lamar Hunt (qui donnera son nom à la Coupe des USA) et des parrains prestigieux comme Henry Kissinger, le secrétaire d’état du gouvernement américain. La classe !

Parmi les 22 franchises déjà existantes, 17 sont retenues pour participer au nouveau championnat. Elles sont réparties en quatre conférences car les voyages en avion sont trop couteux. De nouveaux joueurs traversent l’Atlantique, comme Janusz Kowalikqui qui arrive de Pologne pour rejoindre Chicago, et qui sera élu MVP, meilleur joueur de la compétition (30 buts et 8 passes décisives en 28 matches), le premier de l’histoire du soccer.

Casa, le seul joueur manchot de l'histoire du football mondial
Casa, le seul joueur manchot de l’histoire du football mondial

Des stars arrivent, comme Victorio Casa à Washington, qui restera comme le seul joueur manchot de l’histoire de ce sport ou encore Vava, star brésilienne du Mondial 1958 et 1962, qui débarque à San Diego à 34 ans. C’est la première rock star du soccer. Le changement de classe ne concerne pas seulement les joueurs. Ferenc Puskas, l’emblématique joueur hongrois du Real Madrid, connaîtra sa première expérience d’entraineur aux Vancouver Royals, non sans difficulté. La franchise du Canada avait en effet déjà fait signer Bobby Robson comme manager dans la cacophonie générale. Un compromis sera finalement trouvé : ce dernier sera l’assistant de Puskas. Un sacré duo qui mènera ses troupes à la … dernière place de leur Conférence ! Alors que l’exercice débute, tout le monde s’interroge réellement sur le niveau de ce nouveau championnat qui ne s’inspire d’aucun autre.

Et à la surprise générale, le niveau est bon. Très bon même. Des équipes venues d’autres continents, curieuses à l’idée de se confronter aux équipes américaines, l’apprennent à leurs dépens. Cleveland et New York s’imposent face au Santos de Pelé, tandis que les Atlanta Chiefs gagnent 3-2 contre Manchester City, l’équipe qui domine l’Angleterre ! L’entraîneur des Citizens, Malcom Allison, prétextera l’accident de parcours de sa formation et comparera même Atlanta à une équipe au niveau de la quatrième division anglaise. Piqué au vif, Atlanta propose une seconde confrontation… Rebelote, les Anglais sont défaits 2-1. Ils connaîtront une troisième défaite en une semaine face à Oakland. Toutes les équipes ne sont bien sûr pas toutes performantes. Le Dallas Tornado restera comme la pire équipe américaine de tous les temps avec 109 buts encaissés en 32 parties. A la fin de la saison, ce sont les Atlanta Chiefs qui sont sacrés contre le San Diego de Vava en final de playoff, au terme d‘une saison plutôt réussie. Du moins sur le terrain…

Car en en terme d’audience et de spectateurs, la saison est vécue comme une catastrophe industrielle. 3 000 spectateurs en moyenne, c’est bien loin des 20 000 attendus. Les salaires des joueurs et la location de grands stades ruinent les franchises. Les promoteurs américains ont mal analysé le marché américain et surestimé les effets du soccer sur la populasse. Les Américains ne comprennent pas ce sport, le jugeant trop lent et ennuyeux ! De plus, ils ne s’identifient pas à l’équipe de leur ville avec ces trop nombreux étrangers qui dominent les natifs américains. La discrimination est présente, même dans le soccer…

En Novembre 1968, apeuré par ce désastre financier, Detroit est la première équipe à annoncer qu’elle renonce à continuer. Avant que six autres franchises ne suivent… La NASL est sous le choc et tente de convaincre les propriétaires des dix autres franchises à insister la saison prochaine malgré le fiasco. Seulement cinq acquiescent. Et voilà que NBC rompt le contrat TV. Le soccer est au plus mal.

@j_cortinovis

L’épisode précédent  https://majeureliguefootball.wordpress.com/2013/01/05/genese-major-league-soccer/