Il fut un temps, Juan Agudelo représentait le futur de l’attaque américaine. Rapide et très doué, le natif de Colombie s’envola très vite vers New York dans l’espoir de se révéler dans la franchise la plus en vue d’Amérique du Nord.

Agudelo montre alors un potentiel incontestable et marque assez de buts pour passer de l’équipe nationale espoirs à la sélection A quelques mois après la Coupe du Monde 2010, en amenant sa folie, en repoussant la peur et en gardant ce penchant pour les buts spectaculaires. En d’autres mots, il est un phénomène destiné à accomplir de grandes choses au plus haut niveau.
Mais une galère va se dresser sur le chemin qui est censé mener Agudelo au statut de star. Il hérite, et ce n’est pas totalement volé, d’une réputation de joueur fainéant et se confronte alors quotidiennement au protagoniste de cette étiquette: Hans Backe, son propre entraineur au New York Red Bulls, réputé pour être intransigeant avec les jeunes talents. Agudelo agace rapidement les Américains qui, depuis la création de la MLS en 1996, méprisent les joueurs à la « swag mentality ». Comme ses minutes sur le terrain s’amenuisent avec les Red Bulls et que ses éclairs de génies sont de plus en plus rares, ses dirigeants s’interrogent logiquement à son sujet. Relégué sur le banc avec son club et absent dorénavant de toutes les listes des sélections des Etats-Unis, le jeune attaquant se fait oublier.
De New York à Chivas…
Un transfert à Chivas USA en mai dernier était la dernière chose à accomplir pour complètement marginaliser Agudelo. Sa « swag » mentalité n’a plus lieu d’être. Il n’est qu’un jeune espoir décevant de plus dans une équipe à la ramasse qui n’a de plus pas les ressources financières du club de New York (fini les vols privés et autres privilèges). Même si son temps de jeu grimpe logiquement – comment aurait-il pu en être autrement tant Chivas était médiocre – Agudelo a trop de buts de retard pour retrouver la confiance des supporters américains. Trois réalisations en 20 apparitions, seulement. Son statut de phénomène est définitivement révoqué. Agudelo ne bénéficie même plus du bénéfice du doute qui pourrait l’excuser de jouer dans une équipe infiniment pauvre ayant inscrit la bagatelle de 24 buts, soit le plus faible total dans le championnat.

Durant l’intersaison, Juan Agudelo profite d’un trip estival en Europe pour s’entrainer avec plusieurs équipes comme le font plusieurs autres joueurs alimentant ainsi quelques rumeurs de transfert. Il annonce alors lui-même sur son compte twitter personnel que le Celtic Glasgow le veut. Étrange, d’autant plus que le club écossais dément plus tard cette information et qu’aucune offre ne lui est proposée, ceci détériorant un peu plus son image et renforçant sa réputation de joueur individualiste (il est surnommé « Mr me first »).
Déception, personne n’arrive donc à suivre l’exemple de Jozy Altidore, passant brillamment d’espoir du foot au statut de joueur confirmé après avoir prouvé et affirmé tout son potentiel. Les joueurs américains ne semblent pas pouvoir effectuer la mue comme l’actuel brillant attaquant de l’AZ Alkmaar a pu le faire.

En 2013, Agudelo démarre fort sa saison avec deux buts en quatre matches. Désigné joueur de la semaine la semaine dernière grâce à son but et à sa passe décisive contre Chicago, il semble refaire surface. Son nouveau coach, le caractériel Chelis, a salué les efforts de son joueur depuis le début de la saison et a admis qu’il ne savait pas quoi penser de lui quand il a pris le poste d’entraîneur en chef. Il semble avoir une personnalité plus adaptée pour l’encadrer. Chivas USA est à la surprise générale en haut du championnat. Agudelo a une opportunité de réhabiliter sa réputation sur et en dehors du terrain grâce à une équipe en forme et un coach qui ne lui veut que du bien.
Si Altidore est arrivé à se dépêtrer de cette réputation de joueur fainéant et grincheux, il n’y a pas de raison que Agudelo n’y parvienne pas. Le poids trop lourd de son statut de phénomène l’a fait couler, mais à 20 ans, il aurait tort de ne pas se servir de cet itinéraire tortueux qui l’a finalement rendu mentalement plus fort. Jouer pour un coach qui semble désireux de tirer profit de son potentiel, et sans les distractions qui surviennent lorsque l’on joue pour une franchise plus notoire, Juan Agudelo pourrait enfin franchir un cap. Redevenir un phénomène ou simplement un bon joueur pour (re)commencer. C’est sa maturité qui parlera.
Agudelo sur twitter: @jagudelo11
@J_Cortinovis