Thierry Henry a annoncé qu’il prendrait sa retraite à l’issue de la saison 2014. Il lui reste donc deux ans pour affoler les défenses de MLS et accessoirement, deux ans à toucher son immense salaire de joueur désigné. Mais pourquoi et comment la MLS a t-elle accepté l’arrivée de stars comme lui alors qu’elle s’était promis de ne plus renouveler l’expérience après l’échec de la NASL?
La NASL est morte en 1985 des suites d’une longue maladie qui avait débuté dix ans plus tôt, date à laquelle les stars sont arrivées dans ce championnat. Pelé avait permis de doper le nombre de spectateurs de la NASL et plus généralement l’engouement autour du soccer en 1975. Mais comme toute substance dopante, les effets secondaires peuvent être terribles. La star brésilienne devenait ainsi le symbole de la disparition du championnat nord-américain dix ans plus tard, même s’il avait pris sa retraite bien avant. Une sorte de tumeur naissante qui avait engendré l’arrivée d’une multitude de métastases, comprenez des joueurs aux salaires ravageurs, épuisant financièrement les franchises. Jusqu’à la mort.

Lorsqu’une ligue nord-américaine revoit le jour, bien évidemment les salaires sont bas. C’est d’ailleurs ce système low-cost qui permet la création d’un championnat. Les joueurs n’appartiennent plus aux franchises. La MLS est en effet désormais propriétaire du contrat de chaque joueur et elle offre un « salary cap » à chaque équipe, c’est à dire un unique plafond salarial que les formations ne peuvent en aucun cas dépasser. Jusqu’en 2007…
Cette année-là, le Los Angeles Galaxy s’intéresse à David Beckham, et c’est toute la MLS qui tremble. La MLS a appris à se méfier des stars, et s’est promis de ne plus renouveler les erreurs du passé. Mais Beckham est plus qu’une star, il est un produit « bankable ». Il peut rapporter gros à la MLS grâce à son image qui ne s’arrête pas seulement à celle du footballeur accompli. La MLS se laisse séduire. Son salaire dépasse évidemment largement le montant maximum autorisé (350.000$). Mais cette fois, il est hors de question que la Ligue se mette en danger dans cette opération en augmentant grandement la masse salariale, surtout pour un joueur vieillissant. Elle décide donc d’instaurer une nouvelle règle : la règle du joueur désigné, ou « loi Beckham ».
Cette loi permet à chaque franchise d’offrir à trois joueurs maximum d’un effectif un salaire illimité. La MLS ne paye que 335.000$ par an au joueur désigné, le club devant se charger du reste. Par exemple, Thierry Henry est payé 5.600.000$ par an. La MLS prend donc en charge 335.000 $, ce qui correspond à seulement 5% de son salaire, New York payant les 95% restants. Ce pourcentage n’est pas représentatif des joueurs désignés puisque l’attaquant français est le mieux payé en MLS, et de loin. Pour Marco Di Vaio, les 335.000 $ payés par la Ligue représentent 17% du salaire total, et pour Freddy Adu, ancien espoir déchu, 64%.
Ce Salary cap permet donc d’attirer des joueurs renommés qui ne seraient jamais venus jouer en MLS, et permet donc de braquer les projecteurs sur ce championnat. Mais voyons maintenant les inconvénients.
Part joueur désigné | Part restante pour les autres joueurs | Moyenne/joueur | Salaire mensuel | |
Pas de joueur désigné | 0 $ | 2.970.000 $ | 123.750 $ | 10.312 $ |
1 joueur désigné | 335.000 $ | 2.635.000 $ | 109.791 $ | 9.149 $ |
2 joueurs désignés | 670.000 $ | 2.300.000 $ | 95.833 $ | 7.986 $ |
3 joueurs désignés | 1.005.000 $ | 1.965.000 $ | 41.875 $(-66%) | 3.489 $(-66%) |
Le salary cap pour chaque équipe est de 2.97 millions de dollars cette année. 2,97 millions que les 24 joueurs d’un effectif se partage. Le salaire minimum est de 44.000$ par an, et le maximum de 350.000$
Même si la perspective de voir une star débarquer aux USA est excitante, ce tableau nous montre clairement les inconvénients de posséder des joueurs désignés dans son équipe. D’une côté, plus une équipe dispose de joueurs désignés, plus l’équipe est hétérogène. En effet, si une équipe en comporte trois, les autres joueurs vont devoir se partager une masse salariale qui aura énormément fondu. Le salaire moyen annuel pour un joueur passe ainsi de 123.750 $ à 41.875 $, de quoi décourager les joueurs dits « moyens » du championnat. Il y aura une énorme différence de niveau entre un tel qui touche plus de 350.000 $ annuellement et un autre qui touche 40 000 $. De quoi susciter en plus de la jalousie dans le vestiaire. D’un autre côté, une équipe qui ne comporte pas de joueurs désignés, ou peu, sera donc beaucoup plus homogène. Sans grande star dans l’équipe, il n’y aura pas de fossé salarial entre les joueurs. Mais l’équipe sera bien sûr moins médiatisée.
En somme, ce salary cap a donc permis au jeune championnat d’établir une rigidité économique stricte, même si ce plafond salarial tend à augmenter chaque année. Il permet surtout un système paritaire, chaque franchise se voyant attribuer la même masse salariale que les autres. L’arrivée de la loi du joueur désigné permet l’arrivée de stars dans un championnat qui ne peut s’en passer pour survivre médiatiquement. Mais elle freine le développement de la MLS et son niveau général, en favorisant l’arrivée de joueurs souvent vieillissants au détriment des jeunes talents. Pour pallier cette problématique, la MLS a légèrement revu sa règle en 2012. L’âge du joueur a désormais son importance sur la part prise en charge dans la masse salariale. Les joueurs désignés de moins de 23 ans ne compteront que pour 200.000$ sur la masse salariale de leur club et ceux de moins de 20 ans seulement 150.000$ favorisant l’arrivée de cracks en puissance en tant que joueurs désignés. La MLS attend notamment l’arrivée de jeunes joueurs brésiliens pour amener plus de technique au championnat. C’est le cas du jeune prometteur Rafael qui vient d’être prêté par Bahia à DC United.
Ces règles tarabiscotées de la MLS ont aujourd’hui une résonance différente dans le monde. Le battement d’aile du président Platini va déclencher le plus violent des orages sur un autre continent. Le fair-play financier arrive.
Voici la liste exhaustive actuelle des joueurs désignés en MLS: